Qu’est-ce que le Strongman ?
Avez-vous déjà vu les hommes les plus forts soulever des grosses pierres, tirer des camions ou des avions ? Avant tout, c’est un sport spectacle qui existe depuis des centaines d’années. L’Homme a toujours et a toujours été fan de ces démonstrations de force. De par la complexité des mouvements, le Strong engage l’ensemble des muscles du corps humain et s’appuie sur une filière énergétique dites anaérobie (lactique ou alactique en fonction de la durée de l’épreuve).
L’Homme est fort, et a toujours fait face à des activités où la force était nécessaire, et nous ne sommes pas tous égaux vis-à-vis de la force, ce qui en fait souvent quelque chose d’extraordinaire pour les personnes qui n’en sont pas capables. La force basque illustre bien cette histoire de l’homme qui utilisait, jadis, son corps comme outil de travail pour couper, porter, déplacer, tirer, tracter… Une faculté perdue aux dépens des machines qui méritent donc son analyse…
Analyse fonctionnelle
Avant que le Strongman soit une épreuve sportive (ou un spectacle), l’Homme pratiquait déjà depuis des millénaires des épreuves de force. En effet, avant que les machines n’existent : les tracteurs, les chariots élévateurs ou autres… Il mobilisait très régulièrement des charges conséquentes. Il devait soulever ainsi que déplacer des objets lourds uniquement par la force de son propre corps, à l’aide de levier (par exemple déplacer une pierre ou la soulever à l’aide d’un levier) ou de poulies : arbres et troncs, branches, pierres, enclumes, botte de foin…
Des objets lourds, certes, mais pas que. Certains objets ou mouvements sont « encombrants » par la complexité de la prise (un tronc d’arbre par exemple est gros et rond, difficile à encercler et il peut éventuellement glisser), par l’inégalité de la répartition de la charge (en conservant toujours l’exemple d’un tronc ou d’une grosse branche, le poids est aléatoirement reparti, au contraire d’une barre d’haltérophilie où la charge est symétriquement équilibrée), par la friction (c’est le cas de la tractée ou de la poussée d’un objet au sol qui fait face aux contraintes du sol qui n’est pas forcément lisse comme peut l’être une piste en herbe synthétique dans une salle), ou pour finir par l’instabilité (nous pouvons imaginer un fermier portant sur ces épaules des seaux d’eau suspendus à une barre)…
À travers cette courte analyse, nous pouvons constater que les charges sont très souvent entre les mains, les bras encerclant, et les mains pressantes sur l’objet. Contrairement à beaucoup de mouvements de salle de sport (haltérophilie et soulever de terre par exemple) où la charge est externe aux mains.
Nous pouvons également constater que les charges sont soulevées du sol, portées, tractées ou poussées, toujours dans des conditions complexes : terrains non lisses, avec frictions, en pente, ou en montée, ainsi qu’avec des contraintes propres à chaque charge : difficulté de prise, inégalité de répartition de la charge. Le corps entier est engagé contrairement à un tirage à la poulie assise sur un banc. En s’appuyant sur l’exemple d’un fermier qui tire ou pousse une charrette, nous pouvons imaginer que les cuisses sont engagées pour pousser dans le sol (en synergie avec la chaîne postérieure), que la sangle abdominale est engagée pour relayer la force sur le haut du corps. Et ce dernier est lui-même entièrement engagé pour pousser ou tracter la charrette. Le corps se « solidifie » dans son intégralité pour être solide comme un roque et réaliser la tâche.
Force basque
Nous ne condamnons pas les pratiques en salle, mais nous faisons émerger une différence entre des mouvements sur les machines de salle qui sont souvent assistées / guidées ou nous perdons instabilité, friction, difficulté de prise, celle de l’haltérophilie, bien que déjà plus complète, et celle Strongman plus proche de la réalité de l’Homme et de son histoire, ce pourquoi notre corps est fait. Et c’est en grande partie pour cette raison que nous parlons de fonctionnel ici. Via le Strongman l’homme est en situation de « torque ».
Torque et Strongman
Nous faisons la transition entre le Strongman et la préparation physique avec cette définition, car nous pensons que c’est un des éléments essentiels et pour lesquels il est intéressant d’utiliser le Strongman dans la préparation physique.
Torque est un terme anglais qui définit un stress ou une contrainte exercée sur un élément. Adapté au sport et à la pratique des épreuves de forces, le torque peut être vu comme un stress / contrainte réalisé par les muscles sur l’objet ou la tâche demandée, le corps humain étant le moyen d’exercer cette pression. Pour réaliser un effort de Strongman (par exemple soulever une pierre), le corps créé un engagement total c’est-à-dire qu’il va recruter un grand nombre de muscles / chaînes musculaires pour réaliser le geste : la poigne pour saisir, les avant-bras et biceps pour accrocher, ainsi que les dorsaux et pectoraux qui vont venir stabiliser l’épaule et lier la poigne au gainage, puis le gainage en lui-même permettant de solidifier le tronc et de relier haut et bas du corps, ensuite les jambes pour pousser dans le sol et décoller la pierre, et pour finir la chaîne postérieure qui va permettre de se redresser.
Stone Extension (Soulever de pierre)
La chaine antérieure (fléchisseur des doigts, biceps, pectoraux, sangle abdominale) permet de créer un « torque », une pression sur la pierre, de tonifier le corps et donc de plus facilement la soulever. Ce principe reste en partie inconscient… qui a déjà soulevé un objet lourd en pensant à tout cela ? Les powerlifters et Strongman ont des méthodes et des techniques pour justement utiliser consciemment cet aspect pour être plus fort. Mais concrètement à quoi sert le « torque » ? Il permet de stimuler le système nerveux via un gros engagement de muscles et de fibres musculaires (cellules qui constituent les muscles). Ces fibres musculaires qui sont nombreuses reçoivent un courant électrique provenant du SNC (Système Nerveux Central), qui est fort, et qui permet d’engager et de tonifier le muscle pour créer l’effort.
Voici une des raisons pour lesquelles il est intéressant d’intégrer la pratique du Strongman en préparation physique : stimuler le système nerveux. Mais également pour d’autres raisons tout aussi importantes : le gainage et le renforcement de la chaîne postérieure.
Midline et Strongman
Comme expliqué ci-dessus, la sangle abdominale permet d’augmenter la pression abdominale et donc d’optimiser le gainage, la « solidité » du tronc. Ainsi, les transferts de force du bas vers le haut du corps sont optimisées, le corps perd moins d’énergie lors du port et du déplacement de charges lourdes.
La création de torque pour des tâches exigeantes telle celles d’un fermier ou d’un strongman oblige le corps à s’adapter et à créer un gainage efficace. C’est à dire que sans gainage, le corps ne serait pas capable de soulever des charges lourdes. C’est en gainant que nous augmentons la pression intra abdominale, que nous solidifions le tronc et que donc nous sommes dans la capacité de mobiliser / déplacer une charge. La question est : faut-il pas améliorer son gainage pour porter une charge ? La réponse est non. Pourquoi ? Car tout simplement, il y a 100 ans, un fermier ne faisait pas une séance de gainage spécifique en préparation physique afin de pouvoir soulever une botte de foin. C’est le fruit d’un long processus de travail physique et rural qui par la répétition de gestes de strong et de soulever de charge que son gainage et sa force se sont développés. L’Homme avait les ressources nécessaires : force et gainage pour ces activités de « strong » quotidiennes.
Donc pour un athlète ayant besoin d’améliorer son gainage dynamique, c’est-à-dire qu’il doit être gainé tout en réalisant des tâches particulières : soulever le corps d’un adversaire comme en lutte, rugby ou MMA, le Strongman peut s’avérer très spécifique dans cette optique, car il est proche de l’activité. (Attention tout de même, le gainage basique, sans port de charge, est un outil de travail TRÈS intéressant et à ne pas négliger !) Nous ne vivons plus du tout de la même manière, et avant de soulever une charge lourde, une certaine progressivité est nécessaire).
Une majorité de mouvements Strongman utilise l’engagement de la chaîne postérieur : mollets, ischiosjambiers, fessiers, lombaires, érecteurs du rachis et trapèzes. Le fait de marcher en portant un objet sur l’avant de son centre de gravité oblige la sollicitation importante de cette chaîne pour éviter que le corps en tombe vers devant. Imaginez la chaîne postérieure comme une corde qui retient le corps qui souhaite en permanence piquer du nez. Et tout comme le gainage, elle va maintenir la colonne vertébrale dans des positions de force pour la production d’autres mouvements (comme un développé militaire) via notamment les petits muscles tout le long du rachis.
Pour un athlète, et peu importe le sport cette fois-ci, une chaîne postérieure forte est essentielle à la performance sportive.
Chaîne Postérieure
Pour faire simple, le Strongman assure une midline de qualité. La midline est la zone autour de votre colonne vertébrale, celle où il y a peu de muscles et d’os car beaucoup d’organes dans cette zone : intestins notamment. C’est donc une zone fragile si elle n’est pas entrainée et développée. C’est le cas chez beaucoup de sédentaires qui perdent leur tonicité dans cette zone, par le manque d’activité et la répétition de la position assise, créant des problèmes de dos à force d’une posture trop maintenue et prolongée. Chez les athlètes, une midline faible entraîne une expression moins efficace de la performance, car les transferts de force du haut vers le bas ou du bas vers le haut du corps ne se font pas efficacement et engendre une perdition d’énergie. Le Strongman est donc un moyen de palier à ce problème.
Préparation Physique et Strongman
Avec le Strongman, vous faites du 3 en 1, c’est-à-dire que vous travaillez : votre force, votre gainage et votre chaîne postérieure dans un même mouvement (et donc dans une même séance si vous partez sur plusieurs circuits / mouvements Strong). C’est un moyen de gagner du temps, et d’aller à l’essentiel tout en rajoutant un côté ludique et varié à vos séances.
En circuit, c’est-à-dire en cumulant plusieurs exercices de Strongman, il est possible de travailler le développement cardio-vasculaire. En effet, les exercices étant polyarticulaire et exigeants physiquement, la dépense énergétique augmente rapidement. Donc, nous pourrions dire que c’est du 4 en 1.
Pour quels sports ? Certainement pas pour le pingpong… mais plus pour des sports où la notion de charge et de mobilisation de l’adversaire sont nécessaires : Rugby (plaquage notamment ou lift en touche) – Football Américain (plaquage et poussée de joueur) – Judo (prise, tractée, soulevée, propulsion) – Lutte & MMA (similaire au judo) et Freefight entre autres. Mais pas que ! Il est connu de travailler la puissance du bas du corps avec du « Push Sled » ou poussée de sled dans certains sports comme le bobsleigh.
Notre conseil
Nous vous conseillons d’utiliser le Strongman en préparation physique pour tout type de sports et pas uniquement pour les sports cités juste au-dessus. Les qualités développées par cette activité sont transposables dans une multitude de sports, que cela soit de manières directes ou indirectes, que ça soit en termes de stimulation nerveuse, renforcement musculaire, apprentissage des postures, etc.
Encore faut-il connaître et être capable d’enseigner les mouvements de Strongman et d’en voir les bénéfices pour telles ou telles activités. Mais tout s’apprend et il suffit de pratiquer personnellement et d’en comprendre les clefs avant de l’enseigner.